Ou les usages de la majuscule en français… ou en sciences
Autant vous prévenir tout de suite : cet article est un véritable pot-pourri. Rien d’avarié là-dedans, rassurez-vous ! Seulement un drôle de mélange, fruit d’un itinéraire éclectique sur internet, allant de l’orthographe à la vulgarisation scientifique, à la poursuite de la lettre majuscule et de ses usages.
J’ai accompli de délicieux voyages, embarqué sur un mot…
Honoré de Balzac, Louis Lambert, 1832
Voilà comment a commencé la promenade : alors que je cherchais à vérifier une règle de grammaire en croisant plusieurs sources, je suis tombée sur ce jeu, un quiz dédié à l’usage de la majuscule, proposé par le site La langue française.
Une idée d’article a commencé à germer : la majuscule ? Pourquoi pas. Je me suis mise à papillonner entre les sites dédiés à la langue française et à la typographie, experts ou grand public. J’ai glissé ensuite vers l’exploration de contenus historiques ou scientifiques… C’est cette balade autour de la majuscule, mi-pointue et mi-dilettante, que je vous invite à partager ici.
La majuscule, plus capitale qu’elle n’en a l’air !
Connaissez-vous toutes les possibilités qu’offre l’emploi des majuscules en français ? Celles-ci sont bien plus riches qu’on ne l’imagine généralement… surtout, ces grandes lettres méritent plus que la faible attention qu’on leur témoigne la plupart du temps : on fait souvent comme si elles étaient là juste pour le décor, une sorte de caprice esthétique… Certaines personnes ne mettent presque pas de majuscules, même les plus habituelles, tandis que d’autres en mettent trop, partout. Dans les deux cas, ça peut désorienter ou agacer le lecteur, qui n’a plus de repères clairs.
Car l’emploi des majuscules est tout sauf anodin. C’est un véritable code, utile au lecteur parce qu’il lui donne des indications sur le sens ou l’organisation d’un texte. Ces indications, on les perçoit de façon plus ou moins avertie ou instinctive, mais elles « font toujours signe » (quoi de mieux pour un signe typographique ?) et évitent parfois d’ennuyeuses confusions !
Les majuscules, bien employées, permettent par exemple :
- d’améliorer la lisibilité d’un texte (ex : en signalant le début d’une phrase, ou celui d’une prise de parole dans un dialogue) ;
- d’indiquer la nature ou la portée d’un mot (ex : un nom propre, un grand fait historique comme « la Première Guerre Mondiale ») ;
- d’exprimer le respect ou la politesse (ex : « Madame, Monsieur » au début d’un courrier) ;
- de faire la distinction entre plusieurs sens possibles d’un mot (ex : « renaissance » = renouveau / « Renaissance » = période historique et mouvement artistique).
Ainsi, si j’écris « L’hôtel de ville (ou l’Hôtel de Ville) n’est pas du tout solide », je dis deux choses très différentes selon mon choix typographique : dans le premier cas (avec minuscules), j’indique que le bâtiment de la mairie est bien fragile (au plan technique et architectural), alors que dans le second cas (avec majuscules), je parle de la faiblesse de l’autorité municipale (c’est-à-dire du maire ou de l’équipe municipale).
Alors, oui, les majuscules ont aussi une dimension esthétique (elles sont source d’harmonie, de rythme, de force, de sérieux ou de fantaisie…) – et ceci, les professionnels de la communication l’ont bien compris. Mais s’ils en jouent parfois, c’est justement parce que l’esthétique peut concourir à donner du poids ou du sens à un propos.
petits guides sur les principales règles d’usage des majuscules
Vous vous dites que finalement, la majuscule mérite un petit détour ? Pour en savoir plus, voici un panel de guides vous indiquant comment utiliser les majuscules. Ils ont en commun d’être très accessibles et de se concentrer sur les principaux emplois que l’on peut en avoir dans des écrits courants. Ils se recoupent pas mal, mais chacun a sa propre façon d’amener les règles, et son petit plus. La qualité visuelle de présentation des sites peut aussi faire la différence : vous serez peut-être plus à l’aise avec l’un qu’avec l’autre.
Outre son quiz, le site La langue française fournit un Guide complet de l’usage des majuscules en français, simple et bien structuré.
Les capitales majuscules: il s’agit d’un article synthétique et soigné, agréable à lire, issu des Chroniques de Prune sur le site d’Edilivre, une maison d’édition qui se qualifie « d’alternative », à mi-chemin entre l’édition traditionnelle à compte d’éditeur (l’éditeur prend en charge la publication, mais l’auteur lui cède ses droits de diffusion) et l’auto-édition (l’auteur est son propre éditeur, mais se fait ici assister).
Les règles de Majuscule, le guide complet d’utilisation. L’extension-correcteur MerciApp pour navigateur internet propose ici treize règles de base concernant l’usage des majuscules. Un détail utile: vous trouverez en fin d’article les raccourcis clavier permettant de mettre des accents sur les majuscules.
Et puisqu’on évoque le sujet… Faut-il accentuer les majuscules et les capitales ? La question tracasse souvent… réponse avec cet article de l’éditeur du logiciel de correction Antidote.
À noter que les logiciels de correction orthographique sont des alliés des correcteurs(trices) professionnels, mais qu’ils ne les remplacent pas, loin de là ! En effet, leurs capacités de compréhension et d’analyse des textes ne sont pas aussi complètes et fines que celles des gens de métier. Or, celles-ci sont indispensables pour saisir un texte dans toutes ses dimensions et à tous les niveaux de sa construction, et pour opérer les bons choix de correction. En clair : les correcteurs automatiques ne voient pas tout et ne comprennent pas tout.
Pour ma part, j’utilise le logiciel Prolexis pour faire une chasse aux dernières coquilles à la troisième relecture, ce qu’il fait vite et bien, même s’il faut contrôler toutes ses propositions parce qu’elles ne sont pas toujours adaptées ! Par contre, pour mes deux premières relectures, je m’appuie sur mes connaissances et facultés d’analyse, et en cas de difficulté rencontrée, sur les conseils de mes pairs et les ressources d’une documentation spécialisée.
–> La relecture-correction, à quoi ça sert ?
Mais au fait, d’où viennent-elles, ces majuscules ?
Pour le savoir, si vous manquez de temps, l’essentiel est là, condensé en quelques lignes : De quand date la majuscule ? sur le site du magazine Ça m’intéresse, dont le slogan rappelle que « la curiosité ça se partage » (ce que ce site fait par petites portions). Autre article de ce site sur le même sujet : D’où vient la forme des lettres de notre alphabet ?
Pour approfondir sans y passer trop de temps non plus, voici un article qui propose une histoire de la graphie des lettres majuscules et minuscules, bien résumée et joliment illustrée : Majuscules et minuscules: une histoire étymologique de deux scripts. Il comporte malheureusement quelques maladresses dans la traduction depuis l’anglais (je vous conseille de remplacer le mot « script » par « graphie »), mais il reste instructif !
Pour rendre plus concrètes vos découvertes historiques : le Musée Typographique de Saint-Lô, dans le département de la Manche, propose une impressionnante collection de machines d’imprimerie. Voici un zoom sur son fondateur, Fernand Le Rachinel, ancien imprimeur : La belle histoire. Promenade insolite : le Musée Majuscule de Fernand Le Rachinel
Flânerie scientifique autour de la majuscule
La science, ce ne sont pas que des chiffres, ce sont aussi des lettres ! Et la science a aussi ses règles d’écriture. Ainsi, faut-il employer la majuscule pour les grandeurs, unités et symboles scientifiques ? Réponse en deux temps, en deux sites :
- Écrire correctement les grandeurs et unités en sciences, article du blog scientifique Couleur Science ;
- Zoom sur les unités de mesure avec l’article Petit panthéon de la science, par l’éditeur du correcteur Antidote.
À présent, si nous nous dégagions un peu des règles, pour nous laisser surprendre par le pouvoir d’évocation du mot « majuscule » ? De fait, il est couramment employé de façon métaphorique. Sa capacité à créer des images est particulièrement forte.
Voici donc quelques contenus (articles ou podcasts) sur des travaux en sciences humaines et sociales, glanés grâce au mot « majuscule » présent dans leurs titres – sans que la majuscule soit l’objet de ces travaux. Une balade de discipline en discipline, qui doit beaucoup au hasard et part un peu dans tous les sens… Plusieurs de ces titres ont cependant en commun d’interroger la valeur d’une vie, qu’elle soit célèbre ou ignorée.
L’histoire des sciences en majuscule – Dans ce podcast de l’émission La Marche des Sciences sur France Culture, des historiens des sciences et des techniques viennent parler de l’incroyable Histoire des sciences et des savoirs, qu’ils ont élaborée collectivement. C’est un peu un monument, cet ouvrage-là : soixante-dix chercheurs français et étrangers, hommes et femmes, ont travaillé de concert pour parvenir à cette grande histoire du savoir, en trois tomes, de la Renaissance au siècle des technosciences. Réalisé sous la direction de Dominique Pestre, il est édité au Seuil (2015) et chez Points (2019).
Magellan : un nom majuscule pour 241 vies minuscules – Fernand de Magellan, le grand découvreur dont on dit qu’il fit entrer l’Europe dans la modernité, est une légende, une « vie majuscule ». Mais cette vie aurait-elle été si capitale s’il n’y avait eu derrière lui, dans l’ombre de sa renommée, les 241 « petites » vies des marins et ouvriers qui ont fait vivre son expédition ? Ecoutez le podcast de la conférence de Romain Bertrand (directeur de Recherche CERI – Sciences PO – CNRS). Celui-ci est l’auteur de Qui a fait le tour de quoi ? L’affaire Magellan. Editions Verdier, mars 2020.
Kaspar Hauser : vie minuscule, cas majuscule ? – Le 26 mai 1828, on découvrit Kaspar Hauser sur une place de Nuremberg. Le jeune homme paraissait 16 ou 17 ans, et savait à peine marcher et parler. C’est l’un des plus célèbres cas « d’enfant sauvage » et il a suscité la curiosité de nombreux scientifiques, jusqu’à aujourd’hui. Derrière cette « vie minuscule », on a « un cas majuscule des sciences humaines et sociales », présenté ici au travers de deux documents :
- L’ouvrage de Jean-Christophe Bailly : Écrits de et sur Kaspar Hauser, Editeur Christian Bourgois, 2003;
- Un podcast de l’émission La suite dans les idées sur France Culture, avec Hervé Mazurel (historien, maître de conférences à l’Université Bourgogne-France Comté), auteur de Kaspar l’obscur ou l’enfant de la nuit. Essai d’histoire abyssale et d’anthropologie sensible, Paris, La Découverte, coll. « À la source », 2020.
Il n’y a ni vie minuscule ni vie majuscule – C’est le titre d’un chapitre du livre La société inclusive, parlons-en ! de Charles Gardou, aux éditions Erès, 2012. Cet ouvrage aborde la question de l’inclusivité sociale des personnes handicapées. En voici un bel extrait : « La plus belle histoire de l’homme, c’est sa diversité. Il n’y a pas plusieurs humanités : l’une forte, l’autre faible ; l’une à l’endroit, l’autre à l’envers ; l’une éminente, l’autre insignifiante. Mais une seule, dépositaire de notre condition universelle, au cœur de laquelle niche la vulnérabilité. »
Cette promenade dans les fourrés de la langue française et les vallons de la science s’achève ici, mais rien ne vous empêche de la poursuivre en faisant quelques requêtes flâneuses… Vous dénicherez certainement d’autres usages de la majuscule en français ou en sciences !
-> Mon blog : catégorie « Goûter les mots »
Merci M. Nana pour votre commentaire. Il est vrai que les usages de la majuscule peuvent varier d’une région francophone à une autre, et que plus généralement, les gens y font moins attention aujourd’hui. Mais un texte peut vraiment gagner en clarté et facilité de lecture si on les utilise bien.
Je vous souhaite de bonnes balades à votre tour!
Laurence Simonet
Très intéressant. J’avais besoin de lire un article de ce genre depuis, car je vis dans un univers où la majuscule est peu significative, ce qui fait que moi-même j’oublie souvent de l’utiliser comme il faut. Heureusement vous avez pensé à nous ! J’aime bien votre style.
Mille mercis.
Jean Christian NANA depuis le Cameroun.