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Vue partielle d'une couverture à l'étude pour le roman Projet Colossus

Relecture-correction d’un roman en autoédition : expériences croisées

Voilà un article qui sort des clous de mon blog : il a été rédigé à quatre mains. Yvans Tesor, après m’avoir confié la relecture-correction de son premier roman, a accepté de témoigner ici de cette expérience. Nous avons réfléchi ensemble à la façon de la présenter… et avons décidé de croiser nos regards, celui de l’auteur et celui de la correctrice. Comment chacun de nous a-t-il vécu la prestation ?

La logique est à la grammaire ce que le sens est au son dans les mots.

Joseph Joubert (1754 – 1824), Pensées, édition posthume 2016

Un auteur sur les sentiers de l’autoédition

Yvans Tesor s’est lancé dans l’écriture de son premier roman, Projet Colossus [Note 1], comme on se lance dans l’inconnu le plus total : équipé seulement du goût d’écrire, d’une formidable envie de se faire plaisir et de partager ce plaisir, et d’un bel appétit de découverte du continent de l’autoédition. En apparence, rien ne le préparait à ce grand saut : ni sa formation économique et sociale, ni son métier dans les forces de l’ordre – si ce n’est sa capacité à déployer une stratégie d’action :

  • Yvans : Après mûre réflexion, pour l’édition de mon livre, je me suis dirigé vers l’autoédition. Le souci de cette méthode est que le produit devant arriver sur la plateforme d’édition doit être un produit fini.
  • Laurence : Yvans m’a parfois parlé de certaines actions qu’il menait (ou avait mené) pour l’autoédition de son roman, telles que la protection juridique de l’ouvrage, le montage d’un club de bêta-lecteurs bénévoles, le recours à une graphiste pour l’illustration de couverture… Son enjeu était toujours de trouver d’abord les bonnes informations, puis de trouver les bonnes personnes.

Sa passion ancienne pour les univers de la science-fiction, des jeux vidéo et des mangas a nourri l’imaginaire de ce premier roman. Celui-ci est en effet dominé par l’action et la technique, avec des personnages volontairement caricaturaux et des scènes outrancières – parfois jusqu’à l’absurde – un peu comme dans le film Kill Bill de Tarantino. Une sorte de défouloir jouissif, où l’important n’est pas la vraisemblance mais l’expressivité des traits.

  • Laurence : J’ai trouvé lécrit d’Yvans plutôt facile à lire. Cela n’empêchait pas son texte d’avoir besoin de révision linguistique (comme tous les textes !), mais cela rendait la phase de relecture plus aisée. Il a un style assez fluide et rythmé, qui profite aux scènes d’action et aux dialogues.

La découverte de la relecture-correction

En tant qu’auteur, Yvans a vite compris que l’acte d’écrire génère forcément des erreurs de français, car lors de l’écriture, on est concentré sur ses idées et pas sur la forme du texte. La relecture-correction s’est donc imposée comme une étape incontournable de sa démarche d’autoédition. Comment trouver l’aide adéquate ? Aidé par son frère, Yvans a déniché via Internet les coordonnées de Laurence. Un premier entretien téléphonique avec la correctrice l’a conforté dans son choix de faire appel à elle. La prestation, réservée à l’avance, s’est engagée plusieurs semaines plus tard.

C’est une fois confronté au travail de relecture-correction, au travers des échanges par mail et téléphone avec Laurence, qu’Yvans a vraiment compris ce que recouvre le métier de correctrice :

  • Yvans : C’est un travail méconnu, mais tellement technique. Ce n’est PAS une simple relecture et/ou la correction des fautes d’orthographe, non ! C’est toute une technique, tout un art ! La vérification des mots, de la syntaxe, des expressions, du champ lexical, des termes techniques…

    C’est ainsi que je me suis rendu compte que cette étape est cruciale, parce qu’on est confronté au fait que notre maîtrise du français n’est pas aussi bonne qu’on le pensait: il y a beaucoup de subtilités qu’on n’imaginait pas. La correction évite à l’écrivain de tomber in fine, dans l’amateurisme. Tout bon que vous soyez, croyez-moi, un œil extérieur travaillant sans juger le fond, mais améliorant la forme, est indispensable. Les propositions, les explications, les aménagements – et leurs justifications – lors des corrections écrites, accompagnés de l’appel téléphonique toutes les deux semaines, ont mis en exergue le professionnalisme et la rigueur de Laurence.

-> La relecture-correction, à quoi ça sert?

Une correctrice, des petits signes plein la tête

De son côté, Laurence était motivée par des enjeux techniques et linguistiques :

  • Laurence : Ça m’intéressait de corriger un roman de science-fiction : je ne l’avais jamais fait et étais curieuse de voir quelles particularités ça impliquait au niveau de la correction. Lors de la prestation, j’ai pu constater qu’il y avait effectivement des besoins spécifiques engendrés par le genre du roman : pas mal de vérifications à effectuer, concernant le vocabulaire technique ou la cohérence de certaines situations ; et surtout, des choix typographiques à effectuer pour l’écriture de certains mots – ce qui nous a obligé avec Yvans à réfléchir ensemble à la meilleure façon de présenter les choses.

    De façon générale, il m’a fallu être très vigilante sur la typographie (ex: tirets longs ou courts, majuscules et minuscules, guillemets anglais et français…), par exemple pour des mentions spécifiques, pour les dialogues (très nombreux) ou pour la présentation des titres et sous-titres qui structurent l’ouvrage.

Quand la révision linguistique fait voyager

La révision linguistique de Projet Colossus a également apporté quelques surprises :

  • Laurence : Il y a eu une petite dimension de « linguistique interculturelle » à laquelle je ne m’attendais pas. En effet, Yvans est originaire d’outre-mer et emploie parfois des mots créoles dans son texte. J’ai donc été amenée à faire des recherches pour en vérifier l’orthographe ou l’usage. Or, les usages de ces mots ont dans certains cas évolué et cela nous a amené à en discuter, pour décider de l’emploi à privilégier. C’était très intéressant.
  • Yvans : J’avais l’impression de faire un retour sur les bancs de l’école, et face à la langue française qui ne cesse d’évoluer en permanence, j’ai ressenti comme une petitesse. Ce que je veux dire, c’est qu’il s’agit d’une langue vivante, et donc, qui n’est absolument pas figée. Si des expressions avaient un certain sens à une époque, ces mêmes expressions peuvent désormais revêtir par exemple un sens péjoratif, qui, s’il n’était pas corrigé, pourrait changer la façon dont la pensée de l’écrivain est perçue par ses lecteurs. Un exemple me vient en tête : « une mulâtresse », moins employé qu’autrefois – au profit de « une mulâtre » – car il a pris une connotation péjorative. C’est donc avec intérêt que j’ai pris des notes, voire fait des recherches pour m’assurer d’être dans les « clous » linguistiques.
  • Laurence : Si de nombreuses corrections s’occupent uniquement de “qualité grammaticale ou syntaxique”, il y en a d’autres qui révèlent les “possibles de la langue” et appellent un choix de la part de l’auteur, qui n’a rien à voir avec des règles à suivre. C’est notamment pour cela qu’il y a des entretiens entre l’auteur et la correctrice pendant la correction. Un sens ou des usages pluriels, une connotation, un pouvoir d’évocation, une (in)cohérence de style, de registre ou de champ lexical… peuvent amener à faire des choix différents. En tant que correctrice, je signale la question soulevée par une phrase ou un mot, ainsi que les possibilités décelées. Au final, c’est l’auteur qui décide de ce qu’il veut faire, en exerçant sa liberté de créateur.

Une correctrice en quête d’équilibre

Pour Laurence, en tant que prestataire, la mission menée pour le roman Projet Colossus répondait aussi à des enjeux financiers et organisationnels – ce qu’Yvans a très bien compris :

  • Laurence : Yvans était prêt à s’adapter à ma disponibilité (partielle, en parallèle ou en alternance avec d’autres prestations) et à étaler la relecture-correction du roman sur plusieurs mois. Il n’a pas cherché à discuter le prix de la prestation. Or, le contraire arrive régulièrement, alors que le métier est pourtant faiblement rémunéré, car les gens ne se rendent pas du tout compte du travail que cela représente.[Note 2] 

    J’ai apprécié sa souplesse au niveau du calendrier, qui m’a permis d’avancer dans ma relecture-correction plus ou moins vite selon les périodes. Il s’est rendu très disponible pour nos rendez-vous téléphoniques (on a eu huit entretiens représentant pas loin de douze heures d’échanges). Je crois qu’on a pu cheminer à un rythme qui nous convenait à tous deux.

    De mon côté, cela m’a permis d’optimiser mon plan de charge, en combinant sur la même période ce travail de révision linguistique et d’autres types de prestations, mieux rémunérées que la relecture-correction (qui seule, permet difficilement de dégager un revenu suffisant): cela rééquilibrait un peu les choses.
  • Yvans : Aujourd’hui, je saisis mieux les contraintes d’une telle profession. Pour clarifier un sujet qui pourrait faire grincer des dents : la rémunération d’un tel emploi se justifie largement, lorsque l’on sait le travail global abattu par le/la correcteur/trice qui pratique un tel art.

-> Formules proposées pour la relecture-correction

Au-delà de ses enjeux de viabilité économique, Laurence y voit le moyen de faire vivre un métier qui a beaucoup souffert d’une certaine déconsidération :

  • Laurence : Cela me permet de maintenir mon service de relecture-correction, auquel je tiens, par intérêt intellectuel autant que par plaisir. J’aime apporter ce « soutien de l’ombre » aux personnes qui écrivent et partager un peu de leur univers. Je m’efforce aussi à ma petite échelle de contribuer à sauvegarder un métier qui a été déqualifié alors qu’il contribue de façon majeure à la qualité de toutes sortes de textes. Avec la démultiplication des canaux de communication et la démocratisation de l’accès au numérique, on en a plus que jamais besoin !

La confiance entre auteur et correctrice au cœur de la prestation

Yvans et Laurence sont d’accord sur ce point : la bonne relation établie dès le début de la prestation a contribué à son bon déroulement.

  • Yvans : Un simple coup de fil a suffi à établir une super connexion, et j’ai dit : « deal » !
  • Laurence : Yvans était très sympathique au téléphone, je me suis dit que ce serait sûrement agréable de travailler pour lui. La suite l’a confirmé : ça a été une bonne expérience, intéressante au plan de la révision linguistique, et très agréable au plan humain, car Yvans était vraiment intéressé par cette étape de sa démarche d’autoédition et très investi dans nos échanges. Son plaisir de partager était manifeste : partager son texte, mais aussi partager des informations et des réflexions autour de l’écriture ou du langage. Pour une correctrice, c’est idéal d’avoir un client aussi ouvert et curieux ! C’est très motivant.
  • Yvans : La chose qui me vient à l’esprit, c’est le professionnalisme de Laurence. Elle a pris mon « bébé » à bras-le-corps, m’expliquant d’une part ses méthodes, tout en prenant en compte mes avis. Laurence a élaboré bon nombre de propositions, en s’efforçant de ne jamais perdre le fil de la correction, et ce, sans jamais dénaturer l’idée du roman ou prendre le pas sur le fond de celui-ci. Personnellement, je l’ai vécu comme un véritable accompagnement, et croyez-moi, ça met à l’aise et en confiance.
  • Laurence : Les échanges avec Yvans lors de la révision du texte ont fait ressortir des attentes, questions ou craintes qu’il pouvait avoir en tant qu’auteur. J’ai essayé de le rassurer, tout en lui montrant qu’il pouvait encore faire évoluer son texte au travers d’un travail sur sa forme.
  • Yvans : Je n’ai éprouvé ni inconvénient, ni difficulté. En toute honnêteté, j’ai surtout éprouvé un agacement à devoir attendre le prochain coup de fil pour la suite de la correction, et même un pincement au cœur lorsque nous sommes arrivés au point final de cette « aventure ».

Une chose est sûre : sans la confiance établie, Yvans et Laurence n’auraient pas pu dire ici ce qu’ils pensaient et ressentaient… Yvans compte faire appel à Laurence pour relire et corriger ses prochaines productions. Et devinez quoi ? Laurence est d’accord.

Merci à vous, Yvans !

Merci à vous, Laurence !

Yvans Tesor, auteur du roman Projet Colossus

  [Note 1] Sortie du livre prévue normalement pour septembre 2023.

 [Note 2] À titre d’exemple, la relecture-correction de Projet Colossus, qui faisait 830 663 caractères espaces comprises (environ 260 pages), a coûté 1 911 € (tarif de base, dégressif selon volume) et a nécessité 99 h 20 min de travail (cette durée dépend du volume de texte, mais aussi de sa nature – ici, littéraire – et de sa qualité linguistique), incluant : deux relectures-corrections complémentaires (traditionnelle et automatisée), adjointes de recherches d’informations et de vérifications, d’une douzaine d’heures d’entretiens téléphoniques avec l’auteur (pour clarifier son intention ou le sens voulu des passages qui ne sont pas clairs, pour choisir entre plusieurs options de correction, etc.), ainsi que de l’intégration de changements dans le texte demandés par l’auteur.

Une fois les cotisations sociales, impôts, taxes et frais matériels de l’entreprise de Laurence payés, cela fait un revenu net de 13,38 € par heure. Or, en tant qu’indépendante, avec les aléas des commandes et la charge d’autres tâches comme la gestion, les relations commerciales et la communication, Laurence compte en moyenne 3,5 jours de production par semaine (varie selon les périodes). En raison de la forte concentration visuelle et mentale que demande l’activité de relecture-correction, elle peut y consacrer cinq à six heures par jour – au maximum sept heures de façon optimale. Ce qui représente dans l’exemple donné ici entre 930 € et 1 300 € de revenus mensuels net.

-> Tarifs des relectures-corrections et accompagnements à l’écrit


Cet article a 6 commentaires

  1. Antoine

    Échange très intéressant sur les coulisses de l’écriture… Beaucoup d’humilité de la part de l’écrivain pour s’inscrire dans cette démarche, bravo !

  2. Darkness …

    J’ai découvert l’univers d’Yvans depuis pas mal de temps et dans diverses lectures, et bien évidemment je me suis totalement plongé dans son monde.
    Il va enfin pouvoir respirer et ne plus recevoir 2000 messages ou appels par semaines pour savoir où en était le livre 😂
    Comme toujours, hâte de te lire et hâte de lire mon futur livre de chevet 😉

  3. Barbara

    Trop hâte de l’avoir entre mes mains !!!! Encore un peu de patience !! Fan la plus dévouée 😉

  4. Aurore

    Un projet qui arrive au bout ! Un succès, qui s’annonce grand !
    Chapeau !

  5. TÉSOR C.

    Enfin ce bébé est sur le point de naître… grâce à un travail sérieux et persévérant si j’en juge par l’expérience relatée dans l’article de présentation.
    Il me tarde de faire la connaissance de cet ouvrage que je considère déjà comme… un petit fils ! 😊

  6. TESOR K

    nous avons hâte d’avoir cet ouvrage entre les mains. l’attente est longue mais c’est sur ça vaudra forcément le coup.

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