Des expressions francophones autour de la gastronomie? Des idiotismes aux multiples saveurs? Je ne voudrais pas « arriver comme un cheveu sur la soupe« , ni « passer pour une quiche« , mais l’idiotisme, n’est-ce pas un problème de crétinerie ? Ah non ? C’est un phénomène langagier ! ? Désolée, c’est moi qui ai « du fromage blanc dans la tête« , une vraie « purée de pois » ! On peut dire que « je vois les choses par le trou d’une bouteille« … Pff ! En termes de cuisine avec les mots, « j’ai du pain sur la planche » ! Une seule solution : « partager le pain et le sel » avec vous. Alors, gourmands des mots, à vos fourneaux !
Tout est soi et autre chose ; l’image dans l’image, le mot dans le mot.”
Théodore Roszak, Les Mémoires d’Élizabeth Frankenstein, 1995.
Des expressions aussi futées qu’imagées…
Connaissez-vous les expressions idiomatiques ? Appelées aussi « idiotismes » (d’après le terme « idiome », langue parlée par une communauté), ce sont des expressions toutes faites, spécifiques à une langue, souvent très imagées ou métaphoriques, qui ne font sens que prises dans leur entier et qui sont la plupart du temps… difficiles à traduire dans les autres langues. « Autant parler à un mur » pourrait-on par exemple se dire face à l’air ahuri du touriste étranger à qui l’on explique qu’on ne veut pas « couper les cheveux en quatre » ni lui « raconter des salades« , mais qu’il n’a vraiment « pas de bol » pour ce fichu « temps de chien » !
… à l’inventivité démultipliée par la diversité francophone
Or, il n’y a pas que chez un interlocuteur parlant une autre langue que ces idiotismes peuvent générer l’incompréhension. En effet, le français est parlé dans différents pays, comme langue d’usage quotidienne ou comme langue administrative ou d’enseignement. Avec 300 millions de locuteurs en 2018 (dont 235 millions pour un usage quotidien) selon l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), c’est la cinquième langue la plus parlée au monde. Ce qui ne veut pas dire qu’elle est parlée de façon identique dans les différents espaces francophones, car la langue s’est développée dans chacun d’entre eux avec des spécificités, dont les fameuses expressions idiomatiques, qui intègrent des éléments propres aux différentes cultures ayant intégré le français comme première ou seconde langue.
Cela signifie donc que les expressions idiomatiques diffèrent souvent d’un pays francophone à un autre… et que par conséquent, deux francophones peuvent ne pas se comprendre quand ils emploient leurs expressions toutes faites! Ah ! – me direz-vous – « on n’est pas sortis de l’auberge » ! Mais non, au contraire, voici de quoi « nous mettre en appétit » !
L’abondance des idiotismes inspirés par la gastronomie
La façon qu’ont les êtres humains de se nourrir, a une grande influence sur leur organisation sociale et sur leur rapport à la réalité. Dans toutes les langues, il existe des expressions idiomatiques faisant référence à des aliments ou à la manière de les préparer et de les consommer. Utilisées au quotidien, elles imprègnent profondément les modes de communication et contribuent au sentiment d’appartenance à une même culture.
Ces expressions qu’on peut qualifier d’idiotismes gastronomiques (ou culinaires) emploient comme métaphores des termes issus de la restauration ou de l’alimentation… pour parler de choses qui n’ont pas forcément de rapport avec la cuisine ! S’y ajoutent des idiotismes utilisant des mots provenant d’autres registres (ex : animaux, botanique, bricolage…) employés pour qualifier des phénomènes culinaires. Dans tous les cas, ces expressions sont particulièrement nombreuses en français ! Elles ont souvent une connotation péjorative (mais pas que…). Celles que je vous présente ci-après n’en sont qu’un (tout petit !) aperçu.
Pour vous « faire venir l’eau à la bouche« , voici d’abord une sélection d’idiotismes français des plus classiques (et néanmoins savoureux…) :
- L’appétit vient en mangeant : l’envie d’une chose vient en la pratiquant, tandis que posséder donne envie de plus posséder encore.
- Ne pas être dans son assiette : ne pas se sentir bien, ou ne pas être dans un état normal.
- Défendre son bifteck : défendre ses intérêts avec détermination.
- Compter pour du beurre : ne pas avoir d’importance pour autrui.
- Mettre du beurre dans les épinards : améliorer ses revenus ou ses conditions de vie.
- Boire du petit-lait : éprouver une complète satisfaction.
- Il y a à boire et à manger : il y a du bon et du mauvais / se dit aussi d’une question ou affaire à double tranchant.
- Tourner en eau de boudin : mal tourner, partir en déconfiture, échouer ou ne plus avoir lieu.
- Faire tourner quelqu’un en bourrique : exaspérer quelqu’un à force de taquineries ou d’exigences.
- Être tout sucre tout miel : se donner une apparence de douceur pour séduire.
- Être à ramasser à la petite cuillère : être en mauvais état, comme mis en pièces.
- Rouler quelqu’un dans la farine : duper quelqu’un avec des arguments trompeurs.
- Avoir la frite : être en pleine forme.
- En faire tout un fromage : exagérer l’importance de quelque chose.
- Des yeux de merlan frit : regard niais et amoureux.
- Ne pas savoir à quelle sauce on sera mangé : ne pas savoir à quoi s’attendre.
- Ramener sa fraise : intervenir de façon inopportune.
- Les carottes sont cuites : c’est trop tard, il n’y plus rien à faire.
→ Des expressions en images autour de la gastronomie et la restauration (cours de FLE sur TV5 Monde)
→ Des idiotismes alimentaires ou gastronomiques présentés avec des explications sur leurs origines
Pour que vous ne « restiez pas sur votre faim« , voici quelques expressions françaises moins usitées :
- Banquet de diables (ou souper de sorciers) : repas sans sel.
- C’est de la petite bière / Ce n’est pas de la petite bière : c’est une chose sans importance / ce n’est pas n’importe quoi (ou ce n’est pas le premier venu).
- S’embarquer sans biscuit : s’embarquer sans précautions dans une affaire / agir sans prendre de précautions.
- Se croire le premier moutardier du Pape : avoir une haute opinion de soi-même, se prendre pour quelqu’un d’important.
- C’est de la moutarde après le dîner : se dit d’une chose désormais inutile, alors qu’on aurait eu besoin d’elle avant.
- Avoir le filet bien coupé / Avoir le filet mal coupé : être bavard ou s’exprimer avec aisance / avoir des difficultés à s’exprimer.
- Laisser aller le chat au fromage : pour une jeune femme, c’est le fait d’accorder ses faveurs et de céder à un homme avant le mariage.
- Manger les raisins et laisser les pépins : tirer profit du meilleur sans s’encombrer du superflu.
- Manger son avoine dans un sac : faire preuve d’avarice ou d’égoïsme.
- Avoir du sang de navet : manquer de vigueur ou de courage.
- Donner des baies (à quelqu’un) : tromper ou mystifier quelqu’un.
- Tuer un âne à coups de figues : s’attaquer à quelque chose d’impossible ou de très long à réaliser.
→ Plus d’expressions françaises autour de la gastronomie sur le site du traducteur Brunon Peres
→ Des expressions avec des fruits et légumes sur le site du même traducteur
La richesse des expressions culinaires francophones
Toujours imagées, souvent drôles, parfois incongrues pour les français de métropole, les expressions idiomatiques de la francophonie donnent du relief aux aventures du quotidien… parce qu’après tout, « on n’est pas faits en sucre du pays« ! La preuve avec ce florilège :
- Avoir ou faire quelque chose à la raclette (SUISSE ROMANDE) : expression familière pour parler d’une action faite à temps ou de justesse.
- Un ziboulateur (CÔTE D’IVOIRE) : il s’agit d’un décapsuleur.
- Ne lâche pas la patate ! (QUÉBEC) : Persévère !
- Un bac à schnick (BELGIQUE): un bar bruyant et mal fréquenté.
- Conduire dans des tablettes de chocolat (SÉNÉGAL) : prendre des routes en très mauvais état, pleines de creux et de bosses.
- Squetter une bière (BELGIQUE) : boire une bière.
- Il ne faut pas confondre les cocos et les abricots [en créole : Pa confond coco epi zabricot] (MARTINIQUE) : il ne faut pas mélanger des personnes ou des choses aux qualités différentes / il ne faut pas mélanger les torchons et les serviettes.
- Une mitraillette (BELGIQUE) : un sandwich garni de frites.
- Avoir la bouche sucrée : (BÉNIN) être bavard / (CÔTE D’IVOIRE) être beau parleur ou persuasif.
- Saper (QUÉBEC) : mâcher ou boire bruyamment.
- Camembérer (SÉNÉGAL) : puer des pieds.
- Être comme lait et citron (HAÏTI) : ne pas pouvoir s’entendre / être comme chien et chat.
- Un séchon (SUISSE ROMANDE) : morceau de pain devenu sec.
- Donner une bière à quelqu’un (RWANDA) : corrompre quelqu’un, lui verser un pot-de-vin.
- Avoir la face comme un œuf de dinde (QUÉBEC) : être couvert de boutons.
- Une couque au chocolat (BELGIQUE) : viennoiserie à base de pâte feuilletée fourrée au chocolat (le « pain au chocolat » français).
→ Un quiz sur les expressions gastronomiques francophones
→ Mots d’ici, mots d’ailleurs : florilège d’expressions francophones
Bon, histoire de « ne pas finir en eau de boudin » et de « ne pas en perdre une miette« , voici « la cerise sur le gâteau » sous forme d’un bonus : savez-vous ce qu’est un chèvrechoutiste (ou chèvre-choutiste) ? Cette expression belge désigne une personne tentant de faire plaisir à tout le monde ou de répondre à des intérêts contraires. Elle fait référence à l’expression « ménager la chèvre et le chou« .