Alors que j’effectuais la bêta-lecture d’un roman, je fis à mon compagnon la remarque que j’éprouvais beaucoup de plaisir à réaliser cette prestation. J’ajoutais en plaisantant : « vois-tu, j’ai en quelque sorte réalisé un rêve d’adolescente : être payée à lire des romans ! » Au lieu de rire, mon compagnon me regarda gravement et rétorqua : « il ne me semble pas que ce que tu fais se résume à lire des romans – ou alors, c’est que cette activité demande un investissement que je n’avais jamais soupçonné ! » De fait, la bêta-lecture telle que je la pratique n’est pas un loisir. C’est un service tout à fait professionnel. Alors, en tant que travail rémunéré, la bêta-lecture est-elle compatible avec mon rêve de gosse ?
Nous sommes faits de mots, de songes et d’un peu de réalité.
Christine Orban, Petites phrases pour traverser la vie en cas de tempête… et par beau temps aussi, 2007
Au fait, la bêta-lecture, qu’est-ce que c’est ?
La version bêta d’un livre (roman, essai, nouvelle…) est une première version d’un texte littéraire que l’on soumet à une lecture critique par une personne extérieure (le bêta-lecteur ou la bêta-lectrice), en vue d’améliorer ce texte avant de l’éditer. C’est un peu la version d’essai du livre.
La bêta-lecture n’est donc pas une simple lecture de loisir, faite pour se détendre ou se divertir. Elle appelle une attention soutenue au texte, mais aussi à l’expérience vécue en le lisant. Est-on intéressé par l’histoire et pourquoi ? L’intrigue fonctionne-t-elle ? Les personnages et les contextes sont-ils crédibles (ce qui ne veut pas forcément dire qu’ils sont réalistes, seulement qu’on arrive à y croire) ? Le récit suit-il un certain rythme ? Notre lecture est-elle facilitée ou freinée ? Par quoi ? Le texte se comprend-il bien ? Comporte-t-il des incohérences ?
En tant que bêta-lectrice, il me faut à la fois plonger dans le récit et prendre du recul sur la façon dont le texte est construit. Je dois m’appuyer sur ma sensibilité de lectrice, tout en mobilisant des capacités d’analyse critique, que je mets en œuvre au travers d’une véritable méthode de travail.
Le mot est posé : « travail ». Alors, réaliser ce boulot, est-ce que c’est le rêve ?
La bêta-lecture : le côté « rêve » du job
Et bien… un peu quand même, que c’est le rêve ! Quel plaisir que celui de la découverte : découvrir des univers, des horizons différents ; rencontrer de nouveaux auteurs, leurs idées, leurs passions, leurs styles… et même leurs obsessions !
Au travers de cet effort particulier de la lecture attentive et réflexive, il me semble que la bêta-lecture me permet d’être plus consciente de ce qui fait la singularité de chaque écriture : son inspiration particulière, sa dynamique ou sa poésie, ses petites et ses grandes libertés… ses maladresses elles-mêmes, qui sont parfois créatives, comme ses audaces. Au fil des lectures, ma sensibilité s’accroît…
S’ajoute à cela le plaisir et la fierté de contribuer à la préparation d’un ouvrage pour l’édition. Mon rôle de bêta-lectrice n’est qu’un simple rouage dans cette préparation, mais si je le fais avec sérieux, il peut participer à accroître la qualité du livre. Il permet aussi à l’auteur(trice) d’avoir un retour extérieur et de poser un regard neuf sur son texte. C’est un peu sa dernière chance de l’ajuster et de le peaufiner, de faire en sorte d’être sûr(e) que ce qu’il(elle) cherche à créer a trouvé la forme adéquate.
Enfin, n’oublions pas, tout simplement, quand le manuscrit me plaît particulièrement, le plaisir de me laisser porter par une bonne histoire, de me laisser surprendre par les arcanes d’un récit ou de me faire un peu balader par l’auteur(trice)… à condition de ne pas en perdre tout sens critique ! L’auteur(trice) est en droit d’attendre de sa bêta-lectrice bien plus qu’un simple « c’était super, j’ai adoré ! ». Absorbée par le texte, je l’ai lu goulûment, oubliant de réagir et de l’annoter ? Et bien, je recommence et le lis à nouveau, en toute conscience cette fois.
La bêta-lecture : le côté « job » du rêve
Vous l’aurez sûrement compris : la bêta-lecture n’est pas une simple lecture et c’est une mission plus exigeante qu’elle n’en a l’air au premier abord.
Première difficulté : être capable de « lire à plusieurs niveaux » un texte. Il est important qu’en tant que bêta-lectrice, je sois d’abord une lectrice, qui éprouve le plaisir, le déplaisir, la facilité ou la difficulté à lire un texte. Cela suppose que je me laisse « prendre » par le texte et que je sois à l’écoute de mes sensations et réactions de lectrice. Or, dans le même temps, je dois pouvoir dépasser mon seul ressenti, porter attention à la structure et aux détails du récit, identifier ce qui gêne ma lecture ou ma compréhension…
Si la bêta-lecture porte avant tout sur le fond du texte (plutôt que sur sa forme), elle nécessite néanmoins selon moi d’être attentif à tout ce qui peut nuire à l’intelligibilité du texte pour le lecteur.
Pour faire cette lecture à plusieurs niveaux, chaque bêta-lecteur(trice) a sa méthode. Pour ma part, je fais, par chapitre (ou pour une série de plusieurs chapitres), soit directement une lecture lente et concentrée, soit deux lectures successives, la première (assez rapide) pour prendre connaissance du texte et la seconde pour une lecture plus attentive.
Dans les deux cas, il y a toujours plusieurs temps dans ma prise de recul : je note d’abord mes réactions de lectrice, avant d’aller plus loin dans l’analyse critique. Pour rester vigilante, je m’appuie sur la grille d’analyse que j’ai mise au point. Je veille à porter spécifiquement attention aux attentes particulières qu’a pu formuler l’auteur(trice).
Seconde difficulté : mes conditions d’intervention en tant que bêta-lectrice professionnelle sont soumises à des engagements à respecter. Les auteurs ou les éditeurs, en tant que clients, sont en droit d’attendre certaines garanties : par exemple, le respect des coûts annoncés, une garantie de moyens mis en œuvre (temps dédié, méthode de travail utilisée), un retour sous la forme convenue (écrite ou orale, en une ou plusieurs étapes), le respect des délais prévus, etc.
Ce sont autant de contraintes à assumer et qui jouent beaucoup sur la crédibilité professionnelle. La bêta-lecture, dans ce cadre, n’est pas un jeu ! C’est une prestation de service, qui suppose d’évaluer le mieux possible le travail à fournir, d’instaurer une relation avec le client, de définir avec lui des attendus et un calendrier… Or, la relation avec le client est aussi un travail qui demande de l’attention !
En guise de bêta-conclusion
La bêta-lecture est une prestation qui comporte pour moi une forte dimension « plaisir ». Elle apporte de la variété et de l’ouverture à mon quotidien professionnel. Pour autant, cela ne signifie pas qu’elle se fait sans efforts, ni méthode – bien au contraire !
Dans mon offre de service, la bêta-lecture est un simple complément à mes autres prestations. Pourquoi ? Parce qu’elle est relativement peu rémunérée au regard de l’attention et du temps qu’elle requiert, surtout si on veut faire des retours précis et argumentés à l’auteur(trice). C’est sans doute lié au fait qu’il est difficile de valoriser financièrement une activité qui est souvent associée soit au loisir, soit au bénévolat. Sans compter le budget souvent limité des auteurs. Avec le niveau d’exigence qu’il me semble nécessaire d’adopter pour fournir un véritable apport à l’auteur(trice), il me paraît difficile de ne vivre que de cela.
C’est pourquoi mes prestations de bêta-lecture sont périodiques : elles dépendent de ma disponibilité et de l’équilibre d’ensemble de mon activité, mais ont l’avantage de faire l’objet d’un investissement renouvelé. Si vous souhaitez faire relire votre texte, cette « fenêtre privilégiée » peut lui être dédiée. Je m’y consacrerai avec beaucoup de soin et d’attention.
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