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La bêta-lecture est-elle un service professionnel ou bénévole ?

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Initialement activité d’amateurs mettant leur passion de la littérature au service des auteurs, la bêta-lecture voit aujourd’hui coexister une pratique bénévole (organisée ou non collectivement) et une pratique professionnelle (services payants). On peut voir dans cette dernière un gage de qualité et de sérieux. Certains craignent cependant que la bêta-lecture y perde en spontanéité. La méthode employée est dans tous les cas au cœur du débat ! Si la tendance à la professionnalisation paraît récente, elle fait en réalité écho à des besoins et pratiques qui existent depuis longtemps dans le monde de l’édition. On a tendance à l’oublier : si le mot « bêta-lecture » est entré récemment dans notre vocabulaire (mais pas encore dans le dictionnaire !), le besoin de relire de façon critique un texte avant de l’éditer, lui, est aussi vieux que l’édition !

Avant d’employer un beau mot, faites-lui une place.

Joseph Joubert (1754 – 1824), Pensées, jugements et notations, édition posthume 1989

La bêta-lecture, qu’est-ce que c’est?

Le mot « bêta-lecteur » est l’adaptation française du terme anglais beta reader. Celui-ci a été formé en s’inspirant de l’emploi en informatique du mot bêta (beta en anglais) : la version bêta d’un produit informatique est une version d’essai qui permet de tester ce produit afin d’en corriger les dysfonctionnements, avant de distribuer sa version finale (améliorée) à plus grande échelle. Elle est ainsi soumise à des bêta-testeurs qui l’utilisent de façon à repérer ce qui fonctionne ou pas.

De la même façon, un texte littéraire (roman, nouvelle, essai…) peut être soumis dans sa version bêta (ou première version) à des bêta-lecteurs par un auteur (ou par un éditeur) afin d’avoir des avis extérieurs permettant d’améliorer ou d’ajuster le texte avant de l’éditer. Les bêta-lecteurs s’appuient donc avant tout sur leur expérience de la lecture du texte pour faire un retour critique sur celui-ci. Pour être profitable, ce retour se doit d’être aussi bienveillant qu’honnête et constructif.

Contrairement à la relecture-correction qui porte plutôt sur la forme du texte (grammaire, orthographe, syntaxe, formulations, etc.), la bêta-lecture porte sur le fond du texte (l’histoire, l’intrigue, les personnages) ainsi que sur la dynamique du récit (rythme, suspense, etc.) et sur sa compréhension par le lecteur. Sa spécificité est ainsi de témoigner de l’effet du texte sur le lecteur.

La bêta-lecture comme pratique bénévole

La bêta-lecture est apparue en tant que service proposé bénévolement à des auteurs par des amateurs qui s’intéressent à la langue et à la littérature. Avec comme arguments en faveur de cette pratique :

  • La passion qui anime ces lecteurs ;
  • Leur expérience de la lecture en général et de certains genres littéraires en particulier (qui leur donne une forme d’expertise) ;
  • Leur bonne volonté et leur envie de découvrir de nouveaux textes et auteurs et d’aider ces derniers à parfaire leur création ;
  • Leur réponse adaptée au plan financier à l’absence de moyens de nombreux auteurs ;
  • Le fait de pouvoir faire appel à plusieurs bêta-lecteurs et de croiser leurs avis…
  • Et surtout et avant tout, leur condition de lecteur, qui leur permet de faire l’expérience du texte en toute spontanéité, sans attentes préconçues liées par exemple à des exigences éditoriales.

Cette offre bénévole s’est développée, aidée par les technologies de l’information et de la communication. On trouve ainsi aujourd’hui sur Internet des sites ou des plateformes qui mettent en relation l’offre et la demande de bêta-lecture, avec des auteurs en recherche de premiers lecteurs d’un côté et des bêta-lecteurs volontaires de l’autre.

Cette pratique bénévole, qui peut être très enthousiasmante pour les auteurs comme pour les bêta-lecteurs, a cependant quelques limites, qui sont les pendants de ses avantages :

  • Les bêta-lecteurs, qui effectuent leur mission sur leur temps libre, peuvent avoir du mal à dégager le temps nécessaire, d’autant qu’il s’agit d’une activité chronophage. Il est ainsi délicat de demander à un bénévole de s’engager sur des délais à respecter ;
  • Par ailleurs, l’auteur peut craindre de partager son travail sur une plateforme collective et chercher de meilleures garanties de confidentialité ;
  • Si le bêta-lecteur est un proche de l’auteur, la confiance est plus facile, mais il peut être difficile pour lui d’être objectif, tout comme il peut être difficile pour l’auteur de recevoir ses remarques ;
  • En dépit de leur passion et de leur bonne volonté, les bêta-lecteurs bénévoles ne peuvent pas tous déployer le même degré d’investissement et de compétence : ils ne disposent pas tous d’une méthode de lecture adaptée, ni des mêmes capacités à analyser ou à présenter leur expérience de lecteur. Leur expertise peut se révéler insuffisante face à certaines attentes. Cela représente une incertitude pour les auteurs, et cela peut dans certains cas les amener à être déçus du résultats de la bêta-lecture.

La professionnalisation de la bêta-lecture

C’est pour réduire ces risques et incertitudes que l’offre de bêta-lecture tend peu à peu à se professionnaliser. L’exemple de la plateforme Plumavitae est très parlant : celle-ci sélectionne ses bêta-lecteurs et leur dispense une formation en vue de garantir aux auteurs que les lectures critiques réalisées par ses bêta-lecteurs seront de qualité. Contrepartie : ses bêta-lecteurs sont rémunérés. Ce n’est plus tout à fait du bénévolat !

→ Accès à la plateforme Plumavitae

Autre phénomène en développement : l’apparition d’une offre de bêta-lecture professionnelle par des indépendants. Celle-ci est parfois déployée par d’anciens bêta-lecteurs bénévoles qui ont développé un vrai savoir-faire et qui ont transféré leur expérience dans un cadre professionnel, en adaptant leurs pratiques à des exigences professionnelles. La bêta-lecture peut alors constituer le cœur de leur activité, voire leur prestation unique.

Mais le plus souvent, la bêta-lecture est un service proposé par des indépendants qui exercent des métiers autour de l’écrit ou en rapport avec l’édition (ex : conseillers ou coachs littéraires, relecteurs-correcteurs…). Elle vient alors, soit compléter et diversifier leur offre de service, soit remplacer un service existant en le modernisant. Le choix de parler de « bêta-lecture » plutôt que de « relecture critique » peut ainsi être une façon d’adapter le savoir-faire du professionnel et le vocabulaire de son offre à une clientèle qui ne travaille pas dans l’édition et n’en connaît pas les codes.

La bêta-lecture qui cache la forêt : les pratiques professionnelles qui lui préexistaient

On peut avoir le sentiment que la bêta-lecture est une activité récente, née avec la facilitation des échanges entre auteurs et lecteurs par Internet. En réalité, on peut considérer qu’elle existe depuis bien longtemps, sous d’autres noms ou intégrée à d’autres cadres de pratiques. C’est mon point de vue.

Par exemple, le fait que des auteurs fassent appel à des personnes de leur entourage pour relire gracieusement leurs ouvrages et donner leur avis sur les points à améliorer, est une pratique qui a toujours existé, même si autrefois on parlait simplement de lecture ou relecture par un tiers.

Autre exemple : on peut considérer que la bêta-lecture emprunte (au moins partiellement) à certaines pratiques professionnelles, exercées dans le monde de l’édition :

  • C’est assez évident concernant ce qu’on appelle la « relecture critique de manuscrit » qui constitue la première phase de la préparation éditoriale d’un ouvrage. Celle-ci permet d’évaluer la cohérence et la qualité de construction du texte, et d’analyser son potentiel, avec ses points forts et ses points faibles. Cela rejoint en grande partie les enjeux d’une bêta-lecture. La principale différence ici entre la bêta-lecture et les pratiques éditoriales traditionnelles est que ces dernières ne se fondent pas uniquement sur l’expérience de la lecture, car elles se réfèrent aussi à une ligne éditoriale établie, qui implique de répondre à certaines exigences ;
  • C’est plus subtil concernant certains éléments abordés lors de la « préparation de copie », qui est l’étape de contrôle de la forme et de l’harmonie générale du document. Outre sa mise aux normes typographiques et sa correction approfondie, on y vérifie par exemple que tous les éléments du récit et des personnages sont cohérents, mais aussi la qualité des dialogues, l’harmonie du style, les changements de rythme… Or, ces questions autour de la cohérence du récit et de la facilité de lecture se posent aussi lors d’une bêta-lecture.

Naturellement, outre sa capacité à inscrire l’ouvrage dans une politique éditoriale spécifique, un éditeur se distingue par le professionnalisme qu’il est en capacité d’apporter au traitement du texte et de l’ouvrage dans son ensemble, avec une connaissance fine et une maîtrise de toutes les étapes de sa préparation et fabrication. Il peut ainsi faire appel à diverses compétences, en interne ou en externe, pour s’occuper de ces diverses étapes, dont les fameux relecteurs, qui autrefois étaient souvent deux : l’un s’occupait de la relecture critique (ou première lecture : le fond), l’autre de la relecture-correction (après reprise du manuscrit par l’auteur, souvent en préparation de copie : la forme). Aujourd’hui, les budgets se réduisent et les pratiques sont en pleine mutation : ce peut être par exemple le responsable de l’édition qui se charge lui-même de la relecture critique, tandis que l’étape de correction est de plus en plus souvent externalisée.

Jusqu’à peu, les frontières entre les pratiques professionnelles de l’édition et les pratiques bénévoles de la bêta-lecture étaient très hermétiques, car elles apparaissaient comme de nature contraire. Aujourd’hui, ces frontières deviennent un peu poreuses (ça reste relatif !) : certaines plateformes spécialisées proposent aux bêta-lecteurs d’être formés et rémunérés et aux éditeurs d’avoir recours à leurs services. En outre, avec le développement de l’autoédition, les auteurs prennent directement en charge les étapes de préparation à l’édition, qu’ils découvrent et apprivoisent sur le tas, grâce notamment à l’aide d’autres auteurs qui partagent avec eux leur expérience. Or, s’ils disposent généralement d’un faible budget, ils cherchent aussi des garanties de compétence et de qualité, ainsi qu’une écoute et un accompagnement, qu’ils trouvent souvent auprès de professionnels indépendants.

Mon credo : une méthode rigoureuse au service de la sincérité

La bêta-lecture reste tellement associée à l’activité bénévole que la formule « offre professionnelle de bêta-lecture » peut sembler complètement paradoxale. Certains diraient que c’est un oxymore ! Pour moi, la contradiction n’est qu’apparente. Si l’intérêt d’une bêta-lecture est avant tout qu’elle est une expérience réelle de lecture et qu’elle donne lieu à un retour sincère, cette expérience de lecteur et cette sincérité peuvent tout à fait s’inscrire dans le cadre d’une méthodologie complète et rigoureuse. Selon moi, cette méthodologie peut même venir les soutenir, de façon à garantir qu’elles aient toute leur place et qu’elles soient utilisées à bon escient. L’exercice me semble d’autant plus passionnant : il faut garder sa spontanéité de lecteur, tout en organisant sa relecture de façon à faire un retour constructif, argumenté et précis, sur lequel l’auteur puisse s’appuyer pour faire évoluer son texte.

→ En savoir plus sur la formule de bêta-lecture que je propose

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