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Rendre l’information plus accessible grâce à la méthode du langage clair

L’assistance rédactionnelle fait partie des missions que je propose en matière de communication scientifique et de vulgarisation. J’entends souvent dire que « bien écrire » est un don. Selon mon expérience, « bien écrire » relève plutôt de l’acquisition, alimentée par une dose de méthode, quelques pincées de technique et beaucoup de pratique ! Le « talent d’écrire », c’est pour partie la capacité à savoir adopter les bonnes règles d’écriture au bon endroit… tout en sachant s’en affranchir ! Voici l’exemple du « langage clair », une approche rédactionnelle qui vise à rendre l’information plus accessible. Un véritable enjeu pour l’information scientifique et la communication publique.

Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément. 

Nicolas Boileau-Despréaux, L’Art poétique, 1674

Comme la plupart des rédacteurs(trices), j’ai élaboré avec le temps un savoir-faire qui m’est personnel. Celui-ci repose en partie sur ma capacité à combiner et adapter des techniques issues de différents contextes professionnels et de diverses branches de la communication écrite. Ainsi, lorsque je rédige ou réécris des textes, je mobilise plusieurs techniques rédactionnelles, en fonction du type de document, de ce que l’on en attend et du public auquel il s’adresse : rapport ou bilan, présentation institutionnelle, brochure explicative, article pour revue professionnelle, article pour site web ou blog, contenu pour réseaux sociaux, etc. Ces textes peuvent avoir différentes dimensions : scientifique, technique, pédagogique, informative, communicante... chacune d’elles appelle une approche spécifique.

Questionner sa pratique, ouvrir son horizon rédactionnel

L’une des approches que j’adopte régulièrement est celle du « langage clair ». Elle vise à rendre plus lisible et compréhensible un texte, de façon qu’il soit accessible au plus grand nombre. Elle est particulièrement indiquée pour les documents techniques et administratifs, parce que ceux-ci apparaissent souvent comme hermétiques ou compliqués. Mais on peut l’appliquer avec intérêt à tous types d’écrits. Cette méthode d’écriture recouvre toute une série de principes et techniques. La connaître permet de questionner les habitudes que l’on peut avoir et de les faire évoluer. L’appliquer permet d’accroître son efficacité rédactionnelle. L’utiliser au quotidien sans en faire un dogme permet de rester ouvert, adaptable et créatif.

Le terme et la méthode sont promus notamment par l’agence de communication éditoriale Avec des mots, et par Anne Vervier, formatrice en communication écrite. Cette dernière a publié un ouvrage sur le sujet : Rédaction claire, 40 bonnes pratiques pour rendre vos écrits professionnels clairs et conviviaux (edipro, 2011). Leurs méthodes s’appuient sur les mêmes principes fondamentaux et partagent certaines techniques. Elles se distinguent cependant par leurs démarches : plus condensée et communicante chez l’agence Avec des mots ; plus complète et méthodique, inscrite dans une logique de formation et axée sur les écrits professionnels du côté d’Anne Vervier.

Pour des textes plus facilement lisibles et compréhensibles

Tout citoyen a été confronté au moins une fois à des documents écrits qui lui ont semblé incompréhensibles, difficiles ou confus. Au point de devoir les relire plusieurs fois. Nombreuses sont les personnes qui abandonnent la lecture d’un document, trouvant celle-ci trop pénible. Ces documents passent ainsi complètement à côté de leur but : informer, avertir, faire adhérer, inciter à agir, inspirer, etc. Dommage, non ?

Le langage clair vise à produire une langue écrite qui peut être comprise par de nombreuses personnes. Il s’agit d’écrire en ayant pour simple but… d’être compris. Le secret ? On conçoit le texte en adoptant le point de vue du lecteur (usager, citoyen, acteur social…). L’information que l’on souhaite passer doit être claire pour lui. Exit les formules alambiquées, le langage inutilement soutenu et le vocabulaire trop spécialisé ! Place à la logique et à la simplicité (qui ne veut pas dire « simplification »). Le lecteur doit aussi pouvoir trouver et saisir facilement l’information ou le message : le document doit donc être le plus lisible possible. Hop ! Un petit effort de mise en forme et de présentation ! Ça n’a l’air de rien, mais ça change tout…

Une approche particulièrement intéressante pour la vulgarisation scientifique et la communication publique

La vulgarisation scientifique et la communication publique ont en commun de s’adresser à un public assez large. Elles partagent aussi certaines difficultés : l’abondance du jargon (administratif, technique ou scientifique), des habitudes de communication entre professionnels pas forcément adaptées à un public extérieur, des thèmes ou sujets souvent riches ou complexes, le manque de d’attention des lecteurs à cause de l’abondance d’informations à laquelle ils sont confrontés… Les enjeux démocratiques liés aux écrits sont profonds : nécessité de transparence, manque de confiance du public dans les institutions ou dans la recherche, volonté d’inclure des publics moins à l’aise avec l’écrit…

Saviez-vous que certains pays ont rendu obligatoire le recours au langage clair pour certaines productions écrites de leurs institutions ? En Suède, un Comité de lisibilité a été créé au sein du ministère de la Justice. La Belgique a de son côté multiplié les initiatives depuis vingt ans. Aux États-Unis, les communications des administrations fédérales sont soumises à une évaluation annuelle, depuis la mise en place du Plain Writing Act sous la présidence d’Obama.

En France, les progrès sont timides, mais quelques initiatives ont émergé. En 2016, a été lancé le prix « Soyons clairs », « prix du langage simple et clair dans les services publics ». Il avait pour but de stimuler et de valoriser les initiatives concourant à améliorer la qualité de l’information administrative. Ce prix a été porté par le Conseil d’orientation de l’édition publique et de l’information administrative (COEPIA) – aujourd’hui disparu. Il a associé plusieurs partenaires, comme le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP) et le Défenseur des droits. Voici le communiqué de l’opération. ainsi que son dossier de presse. Il semble malheureusement que ce prix ait été décerné pour la dernière fois en 2018.

Le langage clair est aussi encouragé indirectement par le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), qui encadre le traitement des données personnelles dans l’Union européenne. Le RGPD dit en effet qu’il faut fournir l’information aux personnes concernées « d’une façon concise, transparente, compréhensible et aisément accessible, en des termes clairs et simples ». Pour ce faire, la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) propose en France un guide que je trouve bien fait : Conformité RGPD : comment informer les personnes et assurer la transparence ?

du langage clair produit comme monsieur Jourdain faisait de la prose…

De mon côté, j’ai commencé à pratiquer le langage clair (ou ce qui s’en approchait) à l’époque où je travaillais dans des collectivités territoriales ou chez leurs prestataires techniques. L’aménagement du territoire et le développement local sont en effet fortement sujets aux excès de jargon ! L’information qu’on y échange est souvent truffée de langage technique. Les formules compliquées découragent parfois les citoyens de s’y intéresser ou fonctionnent comme des paravents. Les mots employés finissent par n’avoir aucun sens… pour les citoyens comme pour les professionnels. Pourtant, ces domaines d’activité concernent un large public, et les projets qu’on y développe doivent être menés de façon démocratique. Bref, le besoin de clarté y est particulièrement vif ! Franck Lepage, militant de l’éducation populaire qui a créé les « Ateliers de désintoxication de la langue de bois », en parle très bien, avec beaucoup d’humour: voir son intervention dans l’émission 28 minutes d’Arte en 2012.

À l’époque, je ne savais pas que ce que je m’efforçais de développer s’appelait le langage clair. La pratique que j’ai construite au fil des ans, par tâtonnements et essais, m’était tout à fait personnelle. Plus tard, j’ai découvert qu’elle recoupait en grande partie ce que d’autres avaient formalisé au travers des méthodes du langage clair. Globalement, nous étions tous arrivés aux mêmes conclusions et avions trouvé des solutions similaires. Et nous ne devions pas être les seuls ! Cela m’a conforté dans ma démarche. J’ai pu compléter mon éventail de techniques et identifier ce que mon approche a de singulier.

En pratique, le langage clair, ça donne quoi ?

Anne Vervier explique que pour rendre un texte plus lisible et compréhensible, on peut agir à trois niveaux : sur son contenu (ce qu’on veut dire), sur sa formulation (comment on le dit) et sur sa présentation visuelle (comment on le présente). Les méthodes de langage clair existantes comportent ainsi de nombreuses règles. On peut résumer celles-ci à travers quelques principes simples, qui empruntent à la communication tout autant qu’au bon sens :

  • Savoir quel but on poursuit avec un texte donné ;
  • Savoir à qui on le destine ;
  • Se mettre à la place du lecteur ;
  • Organiser et structurer ses idées, son propos ;
  • Formuler simplement et sans détours ;
  • Simplifier le vocabulaire ;
  • Guider le lecteur dans son cheminement visuel dans le texte.

Pour mettre en œuvre ces principes, une foule de petites techniques peut être mobilisée. En voici quelques-unes :

  • Mettre le plus important au début du texte, puis les informations secondaires ensuite, pour que le lecteur trouve rapidement l’information qu’il cherche et que celle-ci bénéficie de sa meilleure attention  ;
  • Utiliser la voix active plutôt que la voix passive pour faciliter la compréhension, dynamiser le texte et impliquer le lecteur (ex : « Vous pouvez nous retourner ce bulletin par mail » plutôt que « Ce bulletin peut nous être retourné par mail ») ;
  • Faire des phrases courtes, limiter les propositions relatives (phrases complexes en plusieurs parties, avec des subordonnées) ;
  • Utiliser des verbes d’action plutôt que des noms abstraits ;
  • Illustrer son propos par des exemples, surtout si l’on est obligé d’employer des termes peu courants ;
  • Intégrer des définitions pour éclairer les termes peu courants incontournables ;
  • Préciser ce que les sigles employés veulent dire ;
  • Rendre visuelles les informations qui s’y prêtent (tableau, schéma, infographie…)
  • Intégrer des sous-titres pour résumer les idées clés et faciliter la lecture rapide ;
  • Utiliser des listes à puces pour les énumérations ;
  • Mettre en gras les mots et passages clés ;
  • Etc.

Envie de pratiquer ? Anne Vervier propose sur son site un outil intéressant que je vous invite à tester sur un de vos textes. Il s’agit de grilles de « contrôle qualité ». La première grille permet d’évaluer l’efficacité de votre texte en termes de langage clair, la seconde grille indique quels remèdes pourraient l’améliorer.

Écrire « clair », ce n’est pas écrire « pauvre » et ce n’est pas proposer du « tout fait »

Pour moi, le langage clair est une approche formidable au service de la clarté de l’information et du respect du lecteur. Je considère cependant qu’elle ne doit pas être suivie trop mécaniquement, et encore moins aveuglément. Tous les textes ont intérêt à gagner en clarté. Mais tous n’ont pas la même nature, les mêmes usages, les mêmes lecteurs. Le langage clair repose sur des principes simples que l’on peut adopter comme cadre directeur. Mais il s’appuie sur une palette de techniques très variées que l’on peut sélectionner, combiner à d’autres, enrichir, contourner, etc. On peut appliquer plus ou moins largement les règles du langage clair, en fonction des besoins.

Si je suis convaincue que la simplicité est la clé de la clarté, je suis tout aussi convaincue qu’elle n’a rien à voir avec un appauvrissement du propos. L’effort de clarté doit rendre évidente la richesse de la pensée et des informations échangées – et non pas la réduire. Il ne faudrait pas que la volonté de faire simple devienne un prétexte pour ne pas prendre au sérieux le lecteur !

Le langage clair est un remède aux maux dont souffrent les communications publique, technique et scientifique. Attention cependant à ne pas transformer le remède en poison… Méfiez-vous des solutions miracles que l’on peut vous proposer, fondées sur des automatismes : leur standardisation n’a que faire de la sensibilité de vos informations, pas plus que de celle de vos lecteurs. Prenez plutôt la plume, pratiquez, développez votre capacité « d’écrire clair ». Ou faites appel au savoir-faire et à la sensibilité d’un(e) rédacteur(trice) professionnel(le) qui produira pour vous un langage… clair, certes, mais avant tout, pertinent.

-> Mon blog: sa rubrique « Vulgariser »

-> Mes services d’appui aux chercheurs

Cet article a 2 commentaires

  1. Laurence-Eglantine Simonet

    Merci Cyril pour cette ressource supplémentaire. Je suis ravie d’élargir mon horizon en matière de méthodes et techniques pour rédiger et/ou vulgariser, et ai donc commandé le livre de H. Becker. Sa lecture pourra peut-être faire aussi l’objet d’un partage. À suivre…

  2. Cyril

    Merci pour ce billet. Cette notion du « langage clair » m’a beaucoup fait penser à « écrire les sciences sociales » de Howard S Becker. Becker est une perle rare dans le monde des sciences sociales qui parvient a démontrer des choses complexes en le disant de façon simple, l’air de ne pas y toucher. Dans ce bouquin il explique comment il s’y prend.

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